Pour le droit de mourir dans la dignité
- 20 juin 2021
A propos de la liberté de conscience et du courage politique, nous avons souhaité porter à votre connaissance la lettre de l’association ADMD (Association pour le droit à Mourir dans la Dignité) à propos du suicide assisté en début de semaine d’Alain Cocq.
Nous publions également la « lettre d’outre-tombe » de ce dernier qui accuse le président de la République et les sénateurs et qui interpelle les candidats à la future élection présidentielle de 2022.
Lettre de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité :
Grâce à la Suisse, Alain Cocq a pu devenir maître de sa fin de vie. Alain Cocq a bénéficié d’un suicide assisté, à Berne, ce mardi 15 juin 2021. Le président de l’ADMD était à ses côtés.
Une nouvelle fois, un Français est obligé de s’exiler en Suisse pour obtenir le droit de mourir dans la dignité. Le président de l’ADMD, Jean-Luc Romero-Michel, s’est tenu aux côtés d’Alain Cocq le tout dernier jour de sa vie, à Berne (Suisse), tout comme son fidèle aide-soignant. Il était important que l’ADMD soit ainsi aux côtés de celui qui a porté ce combat pour la liberté, ces dernières années.
Depuis trente ans, Alain Cocq était atteint d’une maladie orpheline. La médecine était impuissante à le guérir, la société était impuissante à lui procurer la qualité de vie à laquelle il aspirait légitimement. Après des années de lutte, dans une lettre au président de la République, Alain Cocq, épuisé et résolu, demandait le droit de mourir. Mais comme Vincent Humbert avait reçu un refus du président d’alors, Jacques Chirac, Alain Cocq a reçu une lettre de refus de l’actuel locataire de l’Elysée…
Comme il n’était pas arrivé dans les tout derniers jours de sa vie, la loi actuelle ne le concernait pas. Il n’était pas non plus apte à bénéficier de soins palliatifs, par ailleurs si faiblement dotés dans notre pays. Ses deux tentatives de mourir de faim et de soif (septembre et octobre 2020) ont avorté : la souffrance était trop difficile à supporter.
Ces morts à l’étranger sont indignes de notre pays. Car à la souffrance générée par la fin de vie s’ajoute l’exil, seulement accompagné de quelques proches. Néanmoins, il faut remercier les associations suisses d’accueillir ainsi des étrangers pour les aider à mourir paisiblement.
Les Français sont très largement favorables à la légalisation de l’aide active à mourir. Les députés sont aussi majoritairement favorables à l’aide active à mourir. Le président de la République et le Premier ministre (qui n’a toujours pas répondu à la lettre adressée par 300 députés demandant la réouverture de la discussion parlementaire) doivent sortir de leur conservatisme et réagir. La loi Leonetti de 2016 est une aberration française, que nul autre pays au monde n’a adopté et qui laisse de côté les malades atteints de maladies neurodégénératives.
Le président de l’ADMD adresse ses condoléances à ses proches et déclare : « Je suis soulagé d’avoir pu assister au départ d’Alain dans une grande sérénité et une immense dignité. Alain Cocq méritait plus que quiconque, après plus de trente années de souffrances, de choisir le moment et la manière de mourir. Je remercie les dirigeants de l’association suisse qui lui ont apporté le respect et le soulagement que la France lui refusait. »
Lettre d’outre-tombe, par Alain Cocq
Mardi 15 juin 2021 16h59
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à vous informer, par la présente, de mon décès dans la dignité, dans le cadre d’une procédure de suicide assisté en Suisse (mort naturelle).
Je tiens à apporter mes remerciements appuyés et ma gratitude envers les associations « Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité » (ADMD) et « Handi-Mais-Pas-Que », ainsi que ma reconnaissance envers l’associations « Ultime Liberté » et ainsi qu’à Monsieur François Lambert, pour leurs soutiens dans ce long et tortueux chemin ayant amené à ce que je puisse partir dans le cadre d’une fin de vie dans la dignité.
En premier lieu je m’adresserais à vous monsieur le Président de la République, dans le respect de l’ordre du protocole.
Vous m’avez écrit, Monsieur le Président, dans votre courrier d’août 2020, que la peine de mort était abolie et que vous n’étiez pas au-dessus des lois.
Je vous répondrais en tant qu’ardant défenseur de l’abolition de la peine de mort, que cela est dans la normalité des choses qu’il en soit ainsi. D’un autre côté, n’étant pas assujetti à la prononciation d’une peine capitale par une cour d’assise, je ne vois pas ce que vient faire l’allusion à la peine de mort dans mon dossier.
Quant à votre assertion selon laquelle vous n’êtes pas au-dessus des lois : je tiens à vous rappeler que vous l’êtes effectivement pendant la durée de votre mandat, à l’exception des faits de haute trahison qui dans ce cas précis seraient jugés par une juridiction d’exception.
Je tiens aussi à relever le manque de courage politique que vous-même, Monsieur le Président, ainsi que votre gouvernement, montrez quant au refus de mettre à l’ordre du jour un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité que ce soit par le suicide assisté lorsque la personne est consciente, ou par euthanasie lorsque la personne n’est plus en capacite de s’exprimer, mais qui avait néanmoins fait valoir ce droit préalablement soit par écrit, soit auprès de sa famille, ou bien de sa personne de confiance (alors que vous vous présentez comme de grands réformateurs).
Je tiens à féliciter Mesdames et Messieurs les députés qui ont eu le courage et la conscience de voter pour l’article 1 du projet de loi de M. Falorni.
En revanche je tiens à fustiger l’archaïsme des membres du Sénat du fait de leur vote négatif sur un projet de loi similaire au projet de loi cité ci-dessus : cela implique une nécessité de réformer ce corps constitutionnel qui démontre jour après jour sa très grande difficulté à évoluer et à appréhender notre société actuelle ; mais cela n’est pas étonnant vu l’âge moyen des sénateurs et sénatrices.
Enfin, pour finir, je pose deux questions à Mesdames et Messieurs les candidat-e-s à l’élection présidentielle 2022 et aux élections législatives qui s’en suivent :
« Etes-vous prêt à soutenir un projet de loi relatif à la fin de vie dans la dignité dans lequel serait défini tant le suicide assisté que l’euthanasie, le tout bien sûr encadré par des mesures de sécurités et de protections nécessaires ?
Et vous engagez-vous à présenter (ou à voter pour les député-e-s) un projet de loi sur la fin de vie dans la dignité dans l’année qui suivrait votre accession à la charge de Président de la République (ou à votre mandat de député-e-s )? »
Quant à moi, d’où je serai, je ne manquerai pas de vous observer tous.
Pour finir, je vous adresse, Mesdames, Messieurs, mes salutations d’outre-tombe.
Alain Cocq - Cimetière de Chevigny-Saint-Sauveur (21800) - 1ère allée à gauche, 1ère sépulture à gauche