Notre-Dame-des-Plantes, un livre de Gilles Clément
- 20 juillet 2021
Notre-Dame-des-Plantes
Un livre de Gilles Clément, Editions Bayard, 100 p.
Il est vraisemblablement inutile de présenter Gilles Clément, en particulier pour les Limousins qui viennent sur le site, mais pour les autres, pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler du « bonhomme », jamais lu un seul de ces 50 bouquins, résumons le personnage en quelques qualificatifs : architecte paysagiste, jardinier, ingénieur agronome, botaniste, entomologiste, écrivain…arrêtons-nous là et pourceux qui sont titillés par la curiosité, utilisez votre moteur de recherche favori pour en savoir plus.
Gilles Clément vient de faire paraître son dernier livre aux Editions Bayard, « Notre-Dame-des-Plantes ». Un pur ravissement ! Une plume alerte et piquante mise au service de propositions intelligentes et pertinentes qui ne raviront certainement pas les dogmatiques et les cathos, qui sont souvent les mêmes, mais enchanteront les défenseurs de la nature, de la beauté et de la Raison, et parmi eux, les Libres penseurs.
Jean-Paul Gady
Quelques lignes des pages introductives…
« (…) Que la lumière soit ! Et la lumière fut ! Message attendu, message reçu, accueilli de façon diverse au fil du temps par ceux qui perçoivent la lumière comme une aubaine ou comme une intrusion. Que penser de l'incendie d'une cathédrale ? Il ne s'agit plus d'un simple message ou d'une promesse mais d'un geste puissant.
Rapide, fantastique, impressionnant. En une seule journée, quelques heures, un toit géant part en fumée. Il suffit d'une étincelle ou d'un virus pour changer le monde. Quelque chose de très petit et que l'on regarde avec distance ou totale ignorance.
Cette lumière enfin parvenue est-elle un cadeau du ciel ? Faut-il franchir l'étape d’un effondrement pour voir clair dans la chapelle aux mille tourments, assombrie par une forêt perchée aux bois morts prêts à servir un feu ? La cathédrale sitôt éteinte, au lieu de s'effondrer, s'éclaire en son cœur. Il suffirait d'un peu de terre au sol pour que s'installent les plantes du jardin dont nous avons tant besoin.
Un tel espoir est-il raisonnable ?
Oui, nous pouvons espérer un jardin. Le choix des espèces serait celui d'une diversité capable de vivre sous le climat changeant de Paris, sans assistance obligée. Quelques arbres pour atténuer les brulures du soleil, une série de buissons de textures variées, des fruits, des légumes, des herbes de vie et des fleurs partout. De quoi honorer les saints sans avoir besoin d'aller dévaliser les stocks de Rungis pour les offrandes de Noël. On se passera des roses élevées en Colombie ou au Costa Rica à bas prix, on ira cueillir directement sur le terrain. Tel est le rêve. La faisabilité du projet est une autre question.
On peut en rajouter. Et pourquoi pas une vigne pour faire du vin de messe ? Direct. Il suffit de transformer la sacristie en cave à distiller et tout est réglé ! Cout écologique nul. Pas d'importation.
Pourquoi faire venir loin le sang du Christ ? Produire son vin est un privilège honorable : une telle attitude viendrait soutenir et promouvoir avec force une économie d'espérance, prête à remplacer celle de la consommation obsessionnelle facilitée par la vente des produits tout prêts dont on ignore la composition. Ce serait l'inverse : apprécier en connaissance. Juste de quoi assurer notre avenir : produire et distribuer sur place dans le cadre général de la non-dépense (…) »
« Pour l'instant il ne s'agit que d'un rêve, nous l'avons dit. Le féroce acharnement à maintenir le modèle de croissance obligatoire, détruisant toute vie sur la planète mais confortant l'illusion du bonheur par l'enflure du PIB, exige que l'on fasse comme avant, sans complexe, et si possible en en rajoutant un peu. D'où les mannes offertes par milliards au service d'un projet de reconstruction à l'identique, sans aucune sollicitation de l’imaginaire. On fait avec les monuments ce que l’on fait avec les « crises » : reconstituer au plus vite le modèle rassurant. (…) »