COVID, rentrée scolaire, laïcité
- 20 août 2021
A quelques jours de la rentrée scolaire, nous avons fait le choix de donner la parole à des associations et syndicats qui œuvrent au quotidien pour la défense de l’instruction publique, des élèves et des enseignants. Nous le faisons sans pour autant partager forcément en totalité comme Libre Penseurs, les points de vue exprimés par ces associations et syndicats.
Ainsi, dans cet article, nous publions des positionnements de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) sur le COVID et la rentrée scolaire ainsi que sur la laïcité. Dans un prochain article, nos colonnes seront ouvertes à des syndicats des personnels enseignants.
La Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) est l'une des trois principales fédérations de parents d'élèves des écoles publiques de France quant au nombre d'adhérents (300 000) et la première quant au nombre de voix obtenues aux élections des représentants des parents d'élèves. Lors de ces élections scolaires, auxquelles six millions de parents participent chaque année, elle a obtenu en début d'année scolaire 2019-2020 un total de 40,08 % des sièges dans les lycées et collèges.
Le porte-parole de la FCPE, Rodrigo Arenas et Nathalie Laville, conseillère de Paris (Paris en commun) ont publié le 15 août une tribune libre dans Le Journal du Dimanche que nous reproduisons ci-dessous.
Jean-Paul Gady
TRIBUNE de Rodrigo Arenas et de Nathalie Laville publiée dans le JDD du 15 août 2021 :
« Covid-19 : Il faut changer le protocole de rentrée à l'école »
Quand Jean-Michel Blanquer affirme que les personnes vaccinées ne peuvent pas transmettre le Covid-19, au mieux, il se trompe, au pire, il ment. En effet, les études nord-américaines et israéliennes démontrent aujourd'hui que la vaccination n'empêche ni d'attraper le Covid ni de le transmettre.
Néanmoins, elle ralentit la progression de la pandémie. Surtout, la vaccination permet d'empêcher les formes graves de la maladie, ce qui est déjà une formidable avancée, même si la durée de la protection des vaccins semble se réduire.
Compte tenu de nos connaissances actuelles, est-il donc légitime d'imposer l'éviction des enfants non vaccinés dans certains contextes scolaires : quand ils vont à la piscine, quand ils effectuent des sorties culturelles, quand ils sont « cas contact… » ? Pour nous, la réponse est non. Cette distinction entre élèves vaccinés et non vaccinés nous paraît scientifiquement inefficace et socialement discriminante. Puisque, même si elle la ralentit, la vaccination n'empêche pas la transmission du variant Delta (90% des contaminations en France), pourquoi faudrait-il exclure de l'école ces jeunes non vaccinés ? Ils sont peut-être potentiellement plus à risque de contamination que celles et ceux qui sont vaccinés, mais on est aujourd'hui dans l'incapacité de dire dans quelle proportion.
En outre, les enquêtes montrent que les Français les moins vaccinés sont issus des classes populaires, ce qui est corrélé avec le faible taux de couverture vaccinale de certains départements comme la Seine-Saint-Denis. Cette fracture vaccinale se retrouvera donc chez les jeunes issus des milieux sociaux les moins favorisés : ce sont eux qui seront écartés d'un certain nombre d'activités scolaires, eux qui seront désignés comme cas contact exclus de la classe alors même que ce sont eux qui ont le plus besoin de cette école. Tout cela sans parler du secret médical dont on ne sait pas qui, à l'école, sera habilité à le transgresser pour effectuer ce tri.
Puisque le pass sanitaire n'est pas demandé à l'école, nous demandons que cette distinction entre enfants vaccinés et non vaccinés, inefficace et discriminante, soit retirée du protocole sanitaire de rentrée qu'il faut donc repenser. Cette mesure doit être remplacée par d'autres plus pertinentes que l'Etat se refuse pourtant à mettre en place depuis des mois, à commencer par l'embauche massive de personnels pour permettre l'encadrement de petits groupes d'élèves. Plus votre groupe classe est petit, moins la contamination est importante, mieux vous gérez les gestes barrière.
Nos enfants ne peuvent pas continuer à payer le prix lourd de cette pandémie : ils doivent continuer à s'instruire dans les meilleures conditions possibles, avec des personnels éducatifs à leurs côtés, sans subir de discrimination d'aucune sorte ! Cela demande des investissements massifs, certes plus coûteux qu'un passe sanitaire déguisé, mais bien plus efficaces sur le long terme. A trois semaines de la rentrée scolaire, il est encore temps d'investir dans l'école.
Nous publions ici de larges extraits de l’interview de Rodrigo Arenas publié le 9 juillet dernier dans l’hebdomadaire Marianne et où il répond à des questions sur la laïcité.
Interview de Rodrigo Arenas à l’hebdomadaire Marianne, publié le 09/07/2021.
(Extraits)
Marianne : Commençons par les bases. Comment définissez-vous la laïcité ?
Rodrigo Arenas : La laïcité c’est la loi de 1905, point barre. Et les lois qui y sont afférentes dont la loi de 2004 qui interdit aux enfants de porter des signes ostentatoires à l'école. La laïcité, c’est la loi. La FCPE défend l’école de la République et donc les lois de la République.
Marianne : Considérez-vous qu’aujourd’hui la laïcité est menacée à l’école ? Dans une récente enquête de la Fondation Jean Jaurès 80 % des enseignants interrogés affirmaient avoir déjà été confrontés au moins une fois au cours de leur carrière à une revendication liée à des croyances ou des pratiques religieuses.
Rodrigo Arenas : Entre faire ce constat-là et dire que la laïcité est menacée, il y a un raccourci intellectuel qui n’est vraiment pas juste. De quoi parle-t-on ? Est-ce des enfants qui refusent de suivre un cours, un point de programme au nom d’une religion quelle qu’elle soit ? Est-ce que ça porte atteinte au bon fonctionnement de l’école ? Ce sont des phénomènes minoritaires. Mais c’est illégal. Les parents n’ont pas à interdire à leurs enfants, en général essentiellement des jeunes filles, de participer à des cours. Je dirais aussi qu’éviter le sport était déjà assez répandu il y a 40 ans.
Marianne : Vous l’avez mentionnée plus haut, quelle est votre position précise sur la loi de 2004 ?
Rodrigo Arenas : C’est juste un appendice de la loi de 1905. C’est la continuité réglementaire de dire qu’un enfant ne peut pas venir à l’école avec un signe ostentatoire. Indépendamment de ses convictions intimes on ne doit pas venir à l’école dans une position prosélyte ou affirmer une religiosité. Mais la loi n’est rien si on n’éduque pas.
Marianne : Pour en revenir aux caricatures, si un parent refuse, comment fait-on ?
Rodrigo Arenas : Ça s’appelle la loi. Si des parents décident que l’enseignement de l’école publique française ne convient pas aux principes de vie qu’ils veulent inculquer à leurs enfants, il y a les écoles privées confessionnelles. Et c’est une question qui se pose en France de savoir si on peut continuer à financer des écoles confessionnelles qui expliquent aux enfants que la religion est formidable.
Marianne : Que répondez-vous à ça ?
Rodrigo Arenas : La réponse de la FCPE est que non, les moyens financiers publics doivent aller pour l’école publique. En quoi Jean-Michel Blanquer est-il laïque quand il fait un détournement de fonds pour financer dès 3 ans des écoles pas laïques ? En quoi est-ce laïque quand dans une école publique on met un mot aux enfants pour leur expliquer qu’après l’école ils peuvent faire bénir leurs cartables ? Où sont tous les champions de la laïcité à ces moments-là ? On se bat dans le Morbihan pour faire en sorte que les gamins puissent avoir la possibilité d’aller à l’école publique.
Marianne : Sans être nécessairement opposé au port du voile par des accompagnatrices scolaires, faire figurer un voile sur une affiche n’est-ce pas une façon de contribuer à faire du voile le porte[1]étendard des musulmans ? Ou du moins d’en faire la promotion ?
Rodrigo Arenas : La campagne d’affichage qui a eu lieu étayait des droits des parents qui étaient bafoués, je veux dire par là celui des mamans de faire des sorties scolaires. On est contre l’invisibilisation. Ces mamans sont les bienvenues à l’école publique, plutôt qu’elles aillent à l’école privée musulmane. La FCPE défend le droit de tous les parents. Si un parent vient avec une kippa, une croix ou un turban, il a le droit d’accompagner une sortie scolaire. Et si l’ordre est bafoué nous les défendrons.
Marianne : Considérez-vous que l’islam politique est une menace pour l’école ?
Rodrigo Arenas : Nous pensons que tous les intégrismes sont des menaces pour l’école. Est-ce que l’école s’en défend parfaitement ? Oui. Il ne me semble pas que l’école soit soumise à une religion. Mais on a l’impression de découvrir un truc. Rappelez-vous Christine Boutin qui brandit une bible à l’Assemblée nationale. Et il y a plus de 30 ans, le cinéma Saint Michel explosait par ce qu’on y passait le film La dernière tentation du Christ. Qu’il y ait un débat de société, oui, mais dans ce qui remonte des parents ce n’est pas réellement une préoccupation.
Marianne : Vous défendez donc une vision universaliste à la française ?
Rodrigo Arenas : Évidemment. Nous défendons la vision de la laïcité du rapporteur de la loi de 1905, Aristide Briand, c’est-à-dire la séparation des Églises et de l’État.
Marianne : Ce week-end un tweet qui relayait des propos qu’aurait tenus votre coprésidente Carla Dugault au cours d’un discours a fait polémique. « L'atroce assassinat de Samuel Paty a démontré avant toute chose que l'école telle qu'elle est, ne répond plus collectivement à faire vivre la laïcité et des échanges pacifiés dans la communauté éducative » pouvait-on lire. Certains y ont vu une façon de désigner l’école comme responsable, au lieu de l’islamisme. Quel est le sens de cette phrase ? Et pour être clair, quel est le responsable de l’assassinat de Samuel Paty ?
Rodrigo Arenas : Ce tweet dit que la communauté éducative n’était pas prête à ça. Sinon pourquoi l’Éducation nationale voudrait-elle former les enseignants à la laïcité ? C’est un problème qu’un père de famille ait appelé à une mobilisation contre un enseignant, c’est illégal. Personne n’imaginait deux secondes qu’un enseignant pouvait être décapité. Notre représentante locale avait prévenu les renseignements généraux.
Marianne : Et qui désignez-vous comme responsable ?
Rodrigo Arenas : Le premier responsable c’est l’intégrisme islamiste terroriste. On ne peut pas imaginer autre chose. Qu’on nous accuse d’autre chose je trouve que c’est calomnieux. Évidemment que Samuel Paty a été victime de l’islam terroriste. Je ne crois pas que les valeurs de la République soient en danger. Mais est-ce qu’il y a un problème avec des prédicateurs musulmans ? La réponse est oui. L’islamisme représente un danger pour l’intégrité physique de nos citoyens. C’est un problème de police. Quand vous avez des mosquées qui embrigadent des enfants, il faut intervenir. Nous n’avons aucune complaisance avec ça.
Marianne : Comment peut-on retrouver un débat plus apaisé sur la laïcité ?
Rodrigo Arenas : On pense que l’école est le seul lieu en France où on peut dépassionner car ces débats y sont enseignés sous l’angle de la raison. Je dis toujours qu’il y a deux chemins, celui de Malcolm X et celui de Martin Luther King. Quand on est jeune on peut prêter crédit à Malcolm X dans sa jeunesse parce qu’il y a cette impatience de la jeunesse. Le chemin de Martin Luther King est plus long, c’est ce chemin-là dont l’humanité a besoin. L’éducation c’est le temps long.