Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée

Migrants : urgence hébergement !

  • 5 novembre 2021

    Aujourd’hui, à quelques mois des élections présidentielles de 2022, des propos ouvertement racistes prolifèrent dans les médias et le débat public. Les réfugiés, exilés et travailleurs immigrés sont constamment des boucs émissaires, accusés de tous les maux par des polémistes et des politiques qui font la chasse aux voix.

    Face à cette situation aux relents nauséabonds qui ne proviennent pas que de l’extrême-droite, avec les citoyennes et les citoyens humanistes, avec les militantes, militants et responsables d'associations et d'organisation, les Libres penseurs de Haute-Vienne agissent pour :

    - rejeter et combattre toute manifestation de racisme d’où qu’elle vienne,

    - continuer à venir en aide concrètement aux réfugiés qui ont fui la guerre, les dictatures et la misère et arrivent dans nos départements,

    - soutenir les militants et associations qui quotidiennement viennent en aide aux réfugiés, exilés et travailleurs immigrés, pour leur offrir un accueil le plus digne possible.

    Dans ces engagements, nous saluons tout particulièrement celui des militantes et militants du collectif Chabatz d’entrar auquel la LP87 est fière d’appartenir aux côtés de 24 autres associations, syndicats et partis de Haute-Vienne.

    Illustrant parfaitement cette solidarité avec les migrants, nous publions ci-dessous sous la plume du journaliste Sébastien Dubois un article paru sur le site du Populaire du Centre le 2 novembre 2021 et le 4 novembre dans l’édition quotidienne.

     

    Article du quotidien régional Le Populaire du Centre

    Pour les migrants de Haute-Vienne, l'hébergement d'urgence devient « citoyen »

    Lorsque la trêve hivernale a commencé en début de semaine, des citoyens de Haute-Vienne se substituent aux pouvoirs publics pour accueillir des migrants.

    « Deux ou trois fois par semaine », ils se retrouvent dans Limoges. Ce vendredi-là, juste avant la trêve hivernale, une vingtaine de personnes patientent, dans la froidure d’octobre.

    « Ils », ce sont des migrants, sans papier et surtout sans logement. Ce soir-là, trois mineurs isolés, ainsi qu’une mère et sa fille. Autour d’eux, comme un cocon de solidarité, des militants et quelques familles « hébergeantes », grâce à qui ces exilés évitent de dormir dehors. « Heureusement qu’ils sont là », sourit-il, tristement, M., un jeune Camerounais au maintien de footballeur, qui se présente comme « mineur ».

     

    « À mon échelle »

    Ce soir-là, Martine est absente mais avec deux maisons, « une à la campagne et une à Limoges », elle participe « depuis 2019 » à cet « hébergement citoyen ». Des mineurs surtout, « deux actuellement », dit-elle.

    Parfois, elle et son fils cohabitent avec leurs invités, parfois non. Pour le matin, elle « fournit le thé » et les mineurs « prennent le petit[1]déjeuner à la maison ». Pour les repas du midi et du soir, direction La Bonne Assiette.

    Martine accompagne aussi les jeunes au niveau administratif, mais essaie aussi de « garder ses distances, se protéger », glisse-t-elle.

    « Si on est trop proche, on peut être profondément touché par leurs histoires super-traumatisantes. » Parfois, la militante leur apporte « un gâteau » et « prend le goûter avec eux ». « On ne peut pas rester froid à leur parcours. »

     

    L’élan de solidarité qui voit en Haute-Vienne, des habitants logés des sans-papiers, a commencé à la suite de l’évacuation du squat de l’avenue de la Révolution, à Limoges

    « Le lendemain, rappelle Angèle, une militante, les personnes sans titre qui avaient reçu leur OQTF (obligation de quitter le territoire français) avait le choix : accepter l’aide au retour et être logé ou la refuser et ne pas avoir d’hébergement. C’est là qu’on a commencé à se réunir, pour trouver des solutions pour ceux qui restaient. » « Ce qui est frappant, souligne Marie Payet, une des responsables du groupe hébergement de Chabatz d’entrar, c’est que ces gens avaient construit au squat une vie sociale très forte. Ils ont gardé cette solidarité. »

     

    Des solutions pour les personnes régularisées

    Pour bien comprendre la situation, il faut distinguer la situation des occupants du squat dont la situation a été régularisée - « une trentaine », dit l’État -, de ceux qui ont reçu des obligations de quitter le territoire. Quatre mois après l’évacuation, « les personnes régularisées et prises en charge en hébergement d’urgence lors de l’évacuation ont quasi toutes accédé au logement aujourd’hui, les deux derniers ménages sont en cours d’être logés », assure la préfecture. Quant aux « sans-titre », « ils relèvent du droit commun », c’est-à-dire du 115.

    Selon l’ARSL, qui gère la plateforme téléphonique, aucun « ménage sans titre, issu du squat, n’est pris en charge à l’hôtel », mais certains, comme Y. sont hébergés par d’autres structures de l’association. Avec « l’hiver et le froid », le jeune Algérien en parka blanche a « peur » de se retrouver à la rue. « Il y a beaucoup de célibataires comme moi qui étaient sans solution, conclut-il. S’il n’y avait pas eu des familles pour nous accueillir, il y a des nuits où j’aurais dormi dehors. »

     

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    « Chacun fait selon ses moyens et ses possibilités », explique Marie Payet, de Chabatz d’entrar. Mais depuis la fermeture du squat de la Révolution, la demande s’est accrue. Au cœur de l’été, les personnes sans hébergement étaient jusqu’à 70, mais « on est retombé à 25-30 », précise Angèle, militante CGT. « Sur les quatre derniers mois, entre 40 et 50 foyers ont accueilli des migrants, pour une nuit ou plus, reprend Marie Payet, Sans ça, beaucoup auraient été à la rue. » Y., Algérien, est l’un des « hébergés » : « Quand je suis sorti du squat de la Révolution, certaines familles m’ont permis de dormir sur leur canapé. D’autres fois, c’était dans une chambre. Ils m’ont vraiment dépanné. »

     

    « Une nuit, une semaine, c’est déjà ça »

    Chloé « n’a pas un très grand appart’ », mais la jeune fille au regard clair et déterminé a déjà accueilli des personnes sans hébergement.

    « Ça fait plusieurs années que je suis engagée en leur faveur, explique la jeune fille. On ne peut pas changer le monde tout seul, mais ça, c’est quelque chose que je peux faire à mon échelle ». « Une nuit, une semaine, c’est déjà ça, plaide M. En venant de France, je ne m’attendais pas à ça. Le Département dit que je suis majeur. Et je n’ai plus d’endroit où dormir. » Finalement, c’est Martine qui l’héberge.

    « Pour faire leurs démarches et avoir accès à l’aide, les hébergés préfèrent être logés à Limoges », explique-t-elle.

    Hélène, elle, habite « loin de Limoges », mais elle « a dépanné une famille, une fois ». « Ça me semble naturel, dit cette mère de famille.

    C’est juste du partage. On participait à la vie du squat et on est lié à ses familles. Je trouve dérangeant de rentrer chez soi, tranquille, quand des gens dorment dehors. »

    « Au départ, ajoute Chloé, il n’était pas question d’héberger, mais nécessité fait loi. Cet hébergement, ça devrait complètement être de la responsabilité de l’État. » « Entre nous, on n’est pas toujours d’accord pour le faire », explique Martine. Depuis 2018, « le délit de solidarité » a pourtant été atténué, notamment si l’aide accordée relève de « l’humanitaire ». « Mais comment dire, reprend-elle… On sent que politiquement, l’accueil des étrangers n’est pas à la mode. »

     

    La peur de « l’appel d’air »

    Depuis deux ans, les solutions proposées par les militants (voir ci-dessus) se heurtent à des contraintes urbanistiques. « C’est un paradoxe, souligne Angèle : on préfère payer des nuits d’hôtel, alors que des solutions existent. » Le collectif réclame aussi l’émission de récépissé avec autorisation de travail de six mois. « On veut juste travailler, explique S., un Algérien à la barbe parsemée, qui occupe son temps en bénévolat. J’ai été hébergé par Hélène, mais j’ai aussi dormi dehors avec ma femme et nos enfants. Elle a perdu notre bébé. Un travail permettrait de payer un loyer et de vivre ici. »

     

    Réponse de l’État dans un courrier de septembre : « Quand bien même les règles le permettraient (elle l’écarte actuellement de façon explicite), en septembre dernier, le recours à une telle pratique générerait “un appel d’air” qui aurait pour conséquence de niveler par le bas les autres salaires, dans de nombreuses branches professionnelles. »

    En attendant, Y. « travaille au black », « dans le BTP ». C’est également le cas de certains livreurs de repas. « On parle de concurrence déloyale, mais c’est l’absence d’autorisation de travailler qui crée cette situation », souligne Angèle. « Les gens ne veulent pas l’entendre, conclut Martine, mais les étrangers rapportent plus qu’ils ne coûtent. Les accueillir est une richesse. »

     

    Débat autour des places et de possibles solutions

    Depuis la création du squat du CRDP, puis de l’avenue de la Révolution, Chabatz d’entrar réclame 200 places d’hébergement d’urgence supplémentaires. Ces dernières années, les capacités d’accueil ont été augmentées, notamment pour les exilés. En marge de l’évacuation du squat, le collectif a proposé plusieurs solutions pour abriter les anciens occupants, dont la tour des associations de Beaubreuil. Mais toutes ont été écartées, en raison des opérations immobilières et des travaux en cours ou à venir sur ses structures.

     

    « Les services de l’État sont actuellement attachés à poursuivre la pérennisation des places ouvertes à l’hôtel dans l’urgence pour offrir des solutions mieux adaptées », écrivait le préfet, début septembre. L’association recherche actuellement des bénévoles pour héberger des migrants et propose aux intéressés de souscrire un commodat. « C’est un contrat devant notaire, qui permet de bien délimiter le bail et la location », explique une militante.

    Renseignements sur : hebergement.chabatzdentrar@gmail.com.

    Sébastien Dubois