Réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple de la guerre 14-18
- 20 janvier 2022
A propos de la loi votée en première lecture par l’Assemblée Nationale le 13 janvier 2022 réhabilitant collectivement les fusillés pour l’exemple de la Première Guerre mondiale, vous pourrez prendre connaissance ci-dessous de la lettre de Loïc Le Diuzet, président de la LP87 adressée à Madame Sophie Beaudoin-Hubiere, députée LREM de la 1èrecirconscription de Haute-Vienne.
Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée
A Madame Sophie Beaudoin-Hubiere
Députée LREM de la 1ère circonscription de Haute-Vienne
Membre de la Commission de la Défense
Nationale et des Forces Armées
Assemblée nationale,
126 Rue de l'Université,
75355 Paris 07 SP
A Limoges, le jeudi 17 janvier 2022.
Madame la députée,
Lors de la séance de l’Assemblée Nationale du 13 janvier 2022 (session ordinaire 2021-2022 – XVème Législature), selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, était à l’ordre du jour l’examen d’une proposition de loi visant à réhabiliter collectivement les militaires « fusillés pour l’exemple » durant la Première Guerre mondiale (nos 4636, 4876). Cette proposition de loi a été votée majoritairement par l’Assemblée Nationale et doit maintenant être examinée par le Sénat.
Lors de la discussion vous avez appelé les députés à voter contre cette loi de réhabilitation collective et vous vous êtes notamment exprimée en ces termes :
« S’il est indiscutable que ce qui s’est joué – essentiellement d’ailleurs en 1914 et en 1915 – dans les cours martiales n’était que parodie de justice, nous savons aussi que certains fusillés étaient des multirécidivistes de la désertion. »
(…)
« Pouvons-nous admettre, ainsi que le souligne le rapport Prost, que vous avez si souvent cité, qu’il soit possible, par une réhabilitation générale, de déclarer un mutin innocent et de considérer que la défense nationale n’était pas une obligation pour les citoyens ?
Enfin, je le redis avec force, si le législateur peut parfois voter des lois mémorielles visant à reconnaître une injustice commise par l’État ou par le Gouvernement à une époque donnée, il ne lui revient nullement de se substituer aux historiens en imposant une grille de lecture politisée et empreinte des idées modernes sur des événements qui ont eu lieu, en l’espèce, il y a plus de cent ans. C’est pourquoi le groupe La République en marche votera contre la proposition de loi. »
Ce positionnement n’a aucune légitimité.
D’une part, parce qu’il est difficile d’entendre une élue de l’Assemblée Nationale feindre d’ignorer ce que peut ressentir un être à bout de forces dans le contexte d’une guerre comme celle de 14-18. Comme l’exprime Jean Le Roch, au nom du Président de la République Emmanuel Macron, dans une lettre du 30 novembre 2020, adressée en réponse à un courrier de la Libre Pensée de Haute-Vienne, au sujet de la réhabilitation des fusillés pour l’exemple : « Comme eux et comme tous les français, le Président est touché par leur histoire, car "beaucoup de ceux qui furent exécutés alors ne s’étaient pas déshonorés, n’avaient pas été des lâches, simplement, ils étaient allés jusqu’à l’extrême limite de leurs forces". »
Alors, oui, « être allé jusqu’au bout de leurs forces » peut être résumé par « multirécidiviste de la désertion », mais cela démontre l’absence totale d’empathie de votre part pour les malheureux soldats de cette effroyable guerre. A peine concédez-vous que « ce qui s’est joué dans les cours martiales n’était que parodie de justice ».
Alors, faut-il comprendre de votre intervention : dommage pour les victimes ?
D’autre part, parce qu’avec la question de la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple, il s’agit de dire que ces 639 soldats, qui ne sont ni des droits communs, ni des gens accusés de trahison, ne méritaient pas la mort. Encore moins, par l’armée française et pire, par leurs compagnons, sommés de les exécuter … pour l’exemple. Parce qu’en fait, ces soldats sont morts par la France et non pour la France. D’ailleurs, meurt-on pour autre chose que pour les industriels, comme le disait si justement Anatole France.
Dire encore que toute personne à qui un quelconque reproche est fait, mérite une justice équitable et le droit de se défendre.
Or, ça n’a pas été le cas, et vous le reconnaissez vous-même.
On est bien loin de votre appréciation qui se limite à résumer le sujet en une question qui reviendrait à juger un mutin innocent, ou de dire que la défense nationale n’est pas une obligation pour les citoyens. L’a-t-elle été d’ailleurs pour tous les citoyens en âge de se battre, aux différents moments de l’histoire où la guerre a été décidée ? Qui meurt essentiellement à la guerre, sinon les ouvriers, les paysans et les plus pauvres de la société ?
Dès 2011, notre Fédération a été très active, pour obtenir, à la date anniversaire du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, une loi en faveur de la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple.
Nous nous sommes ainsi adressés à l’ensemble des maires des communes de la Haute-Vienne (200, à l’époque), ainsi qu’au Conseil général et ensuite au Conseil départemental de la Haute-Vienne ainsi qu’au Conseil Régional du Limousin (désormais partie intégrante de la Région Nouvelle Aquitaine).
Nous leur avons proposé le vote d’une motion, dans leurs instances respectives, pour exiger la réhabilitation collective des fusillés pour l’exemple de la guerre de 14-18.
Cent soixante (160) motions et vœux ont été votés en ce sens, de 157 conseils municipaux du département de la Haute[1]Vienne, ainsi que du Conseil général de la Haute-Vienne et ultérieurement du Conseil département et aussi du Conseil régional de l’ex-région Limousin. Cinq (5) communes seulement ont voté une motion contre. Il reste 37 communes qui n’ont pris aucune position, à notre connaissance. Notre département compte actuellement 195 communes. Cela fait moins de 19% des communes qui ne se sont pas prononcées, 2,5% qui se sont prononcées contre et donc, 78,5% qui ont voté dans le sens de la réhabilitation collective.
Qui représentez-vous donc pour oser prendre la position qui a été la vôtre au sein de l’Assemblée Nationale, alors que vous êtes une élue de la Haute-Vienne ?
Permettez-nous d’être outrés de l’opinion que vous avez exprimée dans ce contexte.
La proposition de loi doit désormais passer au Sénat, avant de revenir devant l’Assemblée Nationale. Vous avez donc encore la possibilité de peser pour une position respectueuse des citoyennes et citoyens du département que vous êtes censée représenter.
Veuillez agréer, Madame la députée, l’expression de nos salutations démocratiques.
Le Président de la Fédération de Haute-Vienne de la Libre Pensée
Loïc LE DIUZET
Copie :
Pierre Venteau, député LREM de la 2ème circonscription de Haute-Vienne
Marie-Ange Magne, députée LREM de la 3ème circonscription de Haute-Vienne
Isabelle Briquet, sénatrice de Haute-Vienne
Christian Redon-Sarrazy, sénateur de Haute-Vienne