Inégalités sociales et concentration des richesses = carnage écologique ! (2ème partie)
- 20 septembre 2022
Nous publions dans cet article la deuxième partie du texte d’Alain Paton sur « la sobriété » des milliardaires, qualifiés par notre rédacteur de « criminels climatiques » (1ère partie publiée le 5 septembre).
Encore plus démentiel est la privatisation de l’espace, sorte de nouvelle guerre des étoiles.
Pour les milliardaires, l’espace n’est plus une contrainte. Le 11 juillet 2021, Richard Branson (PDG de Virgin) devenait le premier milliardaire à voler dans sa propre fusée. Neuf jours plus tard, Jeff Besos (PDG d’Amazon) l’imitait, et en septembre Elon Musk (PDG de Space X) réalisait un vol de trois jours. La course au tourisme spatial est lancée. Branson ambitionne de faire décoller 400 vols par an et Besos a déjà effectué son cinquième vol touristique de l’année.
Mais à quel prix climatique ?
Un rapport estime qu’un vol spatial consomme 27.2 tonnes de CO2, la fusée Falcon 9 utilise en kérosène environ 1220 tonnes de TNT. Le montant du billet pour un tel vol gadget est facturée 200.000 dollars, l’équivalent de 12 années de SMIC, mais c’est moins que les 28 millions d’euros déboursés par un Néerlandais de 18 ans pour un vol inaugural. Décidément, pour les ultras riches le plaisir au détriment d’autrui n’a pas de limite.
En 2018 Emmanuel Macron préférait instaurer une taxe carbone pesant sur tout un chacun plutôt qu’un ISF climatique, détournement du vieux principe du « pollueur-payeur » porté par des associations écologiques et des députés de l’opposition.
Mais un sentiment légitime d’injustice voit le jour et partout s’organise le traçage de ces trajets immoraux. De nombreux comptes sur les réseaux sociaux traquent et dénoncent leur mode de vie climaticide. Il s’agit tout simplement d’exposer publiquement le bilan carbone catastrophique de ces ultras riches.
En France le projet « l’avion de Bernard » lancé en mai, calcule l’empreinte carbone de LVMH à partir de données publiques. Bilan : une consommation de kérosène au mois de mai, de 176 tonnes de CO2 soit dix-sept ans d’empreinte carbone d’un Français moyen ! À ce titre, on peut couper son WIFI autant de temps que l’on veut, si les milliardaires prennent leur jet comme ils le souhaitent, cela ne sert à rien. Il faut commencer par lutter contre les plus gros pollueurs, c'est-à-dire les riches.
Le succès de ces comptes vient du fait d’un sentiment d’iniquité de la population en raison du décalage entre les efforts demandés aux citoyens et le mode de vie dispendieux des plus riches.
Il suffit de rendre publics les chiffres édifiant sur la pollution des milliardaires, pour créer l’indignation. Avec 8190 tonnes de CO2 par an, un milliardaire pollue en moyenne 1000 fois plus qu’un habitant lambda !
La colère gronde en raison de cette injustice. Mais les médias relatent principalement l’avis des milliardaires qui se disent irrités par le suivi de leur trajet.
Voilà comment agacer des hauts responsables : pister leurs jets privés ! Les sites et comptes Twitter qui suivent en temps réel le trafic aérien provoquent chez eux des réactions épidermiques, de la simple plainte aux saisies de matériel.
Chaque année des compagnies de fret aérien russes, des propriétaires d'avions saoudiens ou d'autres personnes, demandent à Dan Streufert, fondateur du site américain de suivi de vol ADS-B Exchange, d'arrêter de publier leurs déplacements. Sans succès. Ce sont des informations publiques, explique M. Streufert.
Certains se disent prêts à verser de l’argent aux créateurs pour enterrer les comptes. Le patron de Tesla, lui, a proposé 5.000 dollars pour enterrer le compte "ElonJet", qui suit tous les mouvements de l'avion du multimilliardaire. Le pistage de vol peut aussi avoir un impact important au-delà de provoquer l'ire des célébrités et des milliardaires. C’est ce qu'a montré le rapport d'une ONG accusant l'agence européenne de surveillance des frontières, de faciliter le refoulement de migrants tentant la périlleuse traversée de la Méditerranée en utilisant des données du système ADS-B. Tout comme des médias américains s'en sont servis pour dénoncer la présence de vols de surveillance pendant les manifestations antiracistes à Washington en 2020.
Ailleurs dans le monde, des gouvernements ont clairement montré que ces technologies et ce type de données n'étaient pas les bienvenues. Un média d'État chinois a rapporté en 2021 que le gouvernement avait saisi des centaines de récepteurs utilisés par des sites de suivi de vols en temps réel, sous couvert d'un risque d'espionnage.
Les ultras riches, ces milliardaires qui multiplient les vols caprices en jet privé, les super pollueurs, bénéficient de super dérogations. Mais le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a déclaré le mardi 23 août au sujet du débat sur la régulation des vols en jet privé : « Il existe des motifs d’urgence, des impératifs économiques. On peut comprendre qu’un Français qui fait attention dans son quotidien soit heurté par le fait que certains de ses concitoyens puissent prendre un jet privé pour faire des sauts de puce ». Cependant dit-il, « dans la grande majorité des cas, ce sont des transports commerciaux, on envoie des équipes sur place avec une réactivité qui est importante, c’est créateur d’emplois, donc il ne s’agit évidemment pas d’interdire cela ». Et de dire pour conclure : « Le ministre des Transports propose lui de mener une concertation au niveau européen pour voir s’il y a des moyens de compenser les émissions de CO2 » et « cette concertation peut avoir son sens », a ajouté le porte-parole du gouvernement.
Concertons ! Concertons ! Bottons en touche vers la Communauté européenne, et n’oublions pas que compensation ne signifie pas suppression.
Oui, j’ose affirmer aujourd’hui que ces milliardaires sont des « criminels climatiques », car ils connaissent parfaitement les incidences de leurs faits et gestes sur la planète et sur celles et ceux qui la peuplent.
Alain PATON