Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée

Laïcité : Lettre de la Libre Pensée 87 à 463 élus municipaux

  • 20 mars 2023

    Concernant la laïcité et les ostensions, vous trouverez ci-dessous une lettre de Loïc Le Diuzet au nom de la LP87 qui a été adressée aux 463 élu(e)s des conseils municipaux des communes où sont prévus un ou plusieurs évènement(s) dans le cadre des ostensions limousines 2023.

    Soit, aux élu(e)s de 15 communes de Haute-Vienne, 3 de Charente, 2 de Creuse et une de la Vienne.

    Une lettre au Maire de Limoges a également été envoyée à propos du partenariat passé par la ville avec le comité des ostensions. Nous la publierons prochainement.

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    A Limoges, le lundi 13 mars 2023

    Madame, Monsieur,

    Elue ou élu d’un conseil municipal, vous êtes à ce titre garante et garant des principes républicains et tout particulièrement un de ceux-ci, la laïcité. Sur cette question, nous avons souhaité, par ce courrier, vous exposer notre point de vue et recueillir le vôtre.

    La laïcité suppose la liberté de conscience. Celle-ci est garantie par la loi de 1905 séparant l’Etat de toutes croyances ou incroyances et des organisations qui les structurent. Toutes les citoyennes, tous les citoyens, croyants ou non, ont intérêt à la défense de la laïcité. C’est la liberté de conscience qui donne la garantie de pouvoir pratiquer son culte ou son athéisme, sans pouvoir être inquiété.

    Dans un tel contexte de liberté, chaque fois que des élu(e)s tentent d’impliquer leur commune, le conseil départemental ou régional, dans des initiatives à caractère religieux, ou d’y impliquer ceux qu’elle est censée protéger, c’est la liberté de conscience qui est fragilisée.

    Tant qu’un lien existe entre un espace de croyance ou de non croyance et les institutions représentatives d’un pays, cela signifie que les individus sont :

    - soit, tenus de se reconnaître dans telle ou telle croyance,

    - soit, interdits de croire à tel ou tel dieu,

    - soit, obligés de ne croire en aucun.

    Les exemples que nous donnent de par le monde les Etats de constitution théocratique révèlent l’oppression, bien souvent très sévère, que subissent les populations qui ne sont pas liées à la religion dominante institutionnalisée.

    Ce sont ces obstacles à la liberté, qui ont été levés par la loi de 1905. La croyance, comme la non-croyance, concernent la vie privée. Chacune et chacun doit être libre de croire ou non et doit donc pouvoir pratiquer librement ses rites, s’il en a.

    Mettre des moyens publics (matériels, humains ou financiers) à disposition d’organisateurs d’évènements religieux, revient à imposer des croyances à la population. Si l’on veut faire valoir son droit à être libre en conscience, on ne peut se voir imposer dans l’espace public des rites, des symboles, ou des représentations, liés à une croyance ou à une non-croyance. C’est pourtant le cas, par exemple, lorsqu’une crèche de Noël est installée sur l’espace public. C’est le cas lorsqu’une école intègre les élèves dont elle a la charge dans des initiatives liées à des évènements religieux ou lorsqu’une mairie coorganise et/ou promeut une exposition dans le cadre d’une initiative à caractère religieux.

    Si des moyens publics, quels qu’ils soient, devaient être mis au service de la délivrance de messages et symboles niant l’existence de dieu et appelant à ne croire en aucun dieu, cela dérogerait tout pareil à la loi. Respecter cette dernière, c’est refuser, a contrario, que la sphère publique mette des moyens à disposition d’initiatives religieuses.

    Être laïque ne signifie pas être antireligieux. Être laïque signifie, vouloir être libre en conscience, revendiquer de pouvoir pratiquer librement ce qui se rapporte à nos croyances ou incroyances, accepter que d’autres personnes ne partagent pas nos idées à ce sujet (qu’ils croient en un autre dieu ou qu’ils ne croient en aucun) et donc, défendre cette liberté. Les élus de la République ont d’autant plus de raison de défendre la laïcité que la loi leur en fait obligation.

    C’est la raison pour laquelle la Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée s’est adressée, par écrit, fin décembre 2022, au Maire d’Aixe-sur-Vienne, pour lui demander de faire retirer, sans délai, la crèche de Noël qu’il avait accepté d’accueillir sur l’espace public de la ville dont il a la charge.

    C’est pourquoi elle s’est encore adressée à la rectrice de l’académie de Limoges pour qu’elle intervienne afin d’empêcher que les collèges Louise Michel de Saint-Junien et Simone Veil de Rochechouart impliquent des enfants dans des initiatives ostensionnaires. Ces établissements sont publics. Les enfants n’ont finalement, et heureusement dans l’intérêt de la laïcité, pas participé à ces initiatives.

    Nous avons informé tous les maires de Haute-Vienne de ces deux initiatives de notre fédération réaffirmant qu’il n’y avait aucune volonté de notre part de s’en prendre à une religion.

    Nous constatons une recrudescence d’entorses à la laïcité depuis que les ostensions limousines 2023 sont en préparation, ce dont la presse locale et régionale fait état régulièrement dans ses articles :

    - des maires et élus participent, aux côtés des autorités religieuses, aux « montées des drapeaux des ostensions » ;

    - des élus de la république sont mentionnés comme membres des instances dirigeantes de comités ostensionnaires ;

    - des bulletins municipaux font l’apologie des ostensions les présentant comme des évènements culturels en feignant d’ignorer qu’elles sont organisées par le culte catholique ;

    - des locaux communaux seraient prêtés ainsi que du matériel et du personnel municipal pour la préparation des manifestations alors que les municipalités devraient se limiter aux seuls pouvoirs de police et à la sécurité des cortèges sur la voie publique ;

    - des établissements publics recevant des subventions des collectivités (conservatoires de musique, écoles de musique, etc.) s’apprêteraient à jouer lors des messes ostensionnaires ;

    - des municipalités ont prévu d’organiser et/ou de promouvoir des expositions de soutien aux ostensions ;

    - des maires ont prévu d’être aux côtés des autorités religieuses pour ouvrir les châsses et reliquaires des églises et valider l’authentification des morceaux de tissus et des ossements qu’elles contiennent comme ayant appartenu à des saints, avant que ces reliques ne soient portées et vénérées dans les cortèges ostensionnaires.

    Rappelons que « Les ostensions limousines sont bien en premier lieu des manifestations religieuses du culte catholique ». Tel est le jugement du Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative de la République (Cf. Conseil d’État, 15 février 2013, décrets n°347049 et n°347050). À ce titre, et en regard de la loi de 1905 de séparation de l’église et de l’Etat, les ostensions ne peuvent donc pas bénéficier de subventions des collectivités publiques. Ces dernières, comme tous les établissements publics, ne peuvent pas participer ni à l’organisation ni au soutien de ces manifestations religieuses. Ces arrêts du Conseil d’État confirment par ailleurs les décisions du Tribunal Administratif de Limoges de 2009 et de la Cour Administrative d'Appel de Bordeaux de 2010.

    Les établissements scolaires, les écoles de musique et conservatoires n’ont pas à faire participer les enfants à des évènements religieux.

    Les communes n’ont pas à financer, de quelque manière qui soit, des évènements religieux.

    Elles ne peuvent pas non plus prêter de locaux pour de tels évènements.

    Les élus n’ont pas à participer aux initiatives de nature religieuse.

    Les communes ne sont tenues qu’à permettre que les initiatives religieuses éventuelles se passent sans heurts. Au-delà de ce devoir de police, elles n’ont aucune implication à avoir. C’est l’obligation de neutralité. Il s’agit-là, non pas d’une contrainte, mais d’une liberté.

    Parce que vous êtes élu(e) d’une République laïque, nous vous demandons d’exprimer, dans votre conseil municipal, votre refus d’enfreindre la loi de 1905 garantissant la laïcité.

    Au-delà, nous vous invitons à nous faire savoir votre sentiment sur le contenu de cette lettre.

    Dans une période de remise en cause incessante de la laïcité, il nous apparaît primordial de ne pas contribuer à soutenir ceux qui n’hésitent pas à réclamer des interventions des collectivités et des élu(e)s pour permettre un meilleur rayonnement de leurs initiatives religieuses. La laïcité a, plus que jamais, besoin de l’implication de toutes et tous, élu(e)s en tête, pour la défendre. Il en va de la liberté de toutes et tous, croyants comme non croyants.

    En attendant de vous lire, veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations républicaines.

    Loïc LE DIUZET

    Président de la Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée