Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée

La liberté de conscience

  • 5 mars 2023

    Dans nos dernières informations nous avons abordés des sujets ayant trait à la laïcité, au respect et à la défense de la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat. Notamment, nous avons évoqué les vœux très religieux du maire de Limoges, les problèmes posés par l’implantation d’une crèche de noël dans l’espace public à Aixe-sur -Vienne et par la sollicitation de collégiens de Saint-Junien et de Rochechouart pour aller chanter aux ostensions. Sur ces deux derniers sujets, nous avons publié dans ces colonnes les lettres envoyées au maire d’Aixe-sur-Vienne et à la Rectrice de l’Académie de Limoges pour rappeler le droit et le devoir de neutralité de la République envers toutes les religions.

    Dans le même temps nous nous sommes adressés à tous les maires de Haute-Vienne pour leur demander leur point de vue sur la laïcité institutionnelle, sur l’interprétation et l’application qu’ils en font dans leur commune. Nous avons reçu quelques réponses, et, comme nous sommes très attachés au débat démocratique, nous en publierons certaines dans le numéro 24 de la Revue La Pensée Libre d’avril 2023. Tout particulièrement celle du 1er adjoint de la commune de Saint-Junien avec nos commentaires, ville comme on le sait fortement concernée par les manifestations religieuses catholiques que sont les ostensions septennales.

    Pour poursuivre et éclairer ces échanges sur ces questions de laïcité, de croyance et de liberté de conscience, vous pourrez lire ci-dessous une contribution de Loïc Le Diuzet, président de la fédération de Haute-Vienne de la Libre Pensée. 

    Bonne lecture et place au débat.

    Jean-Paul Gady

    * * *

    Si chère liberté de conscience !

     L’émancipation des êtres humains est le souci majeur des libres penseurs. En ce sens, ils considèrent la laïcité comme une condition indispensable à sa réalisation. La laïcité suppose en effet la liberté de conscience, celle-ci étant garantie uniquement si l’État est séparé de toutes croyances ou incroyances et des organisations qui les structurent.

    Quel intérêt auraient, quelque croyant ou incroyant que ce soit, à la fragilisation de la liberté de conscience, puisque c’est elle qui lui donne la garantie de pouvoir pratiquer son culte, son athéisme ou d’autres engagements, sans être inquiété ?

    Pourtant, chaque fois qu’une organisation tente d’utiliser l’espace public pour apposer des signes de sa croyance ou de son incroyance, c’est la liberté de conscience qui est fragilisée. C’est pourquoi les libres penseurs interviennent.

    Comment cela fonctionne-t-il ?

    En France, depuis 1905, la loi garantit la liberté de conscience en organisant la séparation de l’Eglise et de l’État. En effet, tant qu’un lien existe entre un espace de croyance ou de non croyance et les institutions représentatives d’une nation, cela signifie que les individus sont :

    - soit, tenus de se reconnaître dans telle ou telle croyance

    - soit, interdits de croire à tel ou tel dieu

    - soit, obligés de ne croire en aucun.

    Ce sont ces obstacles à la liberté, qui ont été levés avec la loi de 1905. La croyance, comme la non-croyance, concernent la vie privée. Chacune et chacun doit être libre de croire ou de ne pas croire et doit donc pouvoir pratiquer librement ses rites, s’il en a.

    Mettre des signes d’une religion, ou des signes d’une non-croyance, sur l’espace public, revient à promouvoir ce courant d’idées. Cela fragilise toujours la laïcité. Car, si on prétend être libre en conscience, on ne peut se voir imposer, ailleurs que dans l’espace privé, des rites, des symboles, ou des représentations, liés à une croyance ou à une non-croyance.

    C’est pourtant le cas, par exemple, lorsqu’une crèche de Noël est installée sur l’espace public. Voilà un symbole religieux lié à la religion catholique dont, ce qu’il représente, n’a pas à être accepté par toutes les citoyennes et tous les citoyens. Laisser faire cela, revient à remettre en cause la liberté de conscience.

    Accepter les symboles d’une religion, ou d’une organisation opposée aux religions revient à devoir accepter aux autres de pouvoir faire de même ? Accepterait-on que des messages et symboles niant l’existence de dieu et appelant à ne croire en aucun dieu s’imposent à nous ? Certainement pas !

    Être laïque ne signifie pas être antireligieux. Être laïque signifie, vouloir être libre en conscience, revendiquer de pouvoir pratiquer librement ce qui se rapporte à nos croyances ou incroyances, accepter que d’autres personnes ne partagent pas nos idées à ce sujet (qu’ils croient en un autre dieu ou qu’ils ne croient en aucun) et donc, défendre cette liberté.

    C’est la raison pour laquelle je me suis adressé en cette fin décembre 2022 par écrit, au Maire d’Aixe-sur-Vienne, au nom de la Fédération de Haute-Vienne de la Libre Pensée, pour lui demander de faire retirer, sans délai, la crèche de Noël qu’il a accepté d’accueillir sur l’espace public à Aixe-sur-Vienne.

    Il n’y a là aucune volonté de s’en prendre à une religion. La même lettre aurait été rédigée si les symboles d’une autre religion devaient être mis en place publique, ou si des signes d’anti-croyance devaient être exhibés.

    Ni État religieux, ni État athée ! Soyons libres en conscience !

    C’est ce que revendiquent tant de peuples dans le monde, de l’Iran au Liban en passant par le Qatar, les Emirats arabes unis, l’Arabie Saoudite, Israël et tant d’autres encore.

    Nous, qui avons la chance d’avoir réussi à se libérer du poids d’une religion qui prétendait vouloir s’imposer à toutes et tous, qu’aurions-nous à gagner à faire marche arrière ?

    Une crèche est le symbole de la naissance du Christ, donc une représentation liée à la religion catholique. Sa place est dans un lieu de culte, mais pas sur l’espace public. Considérer les choses ainsi, n’a rien à voir avec le fait de s’en prendre à une religion, mais à tout à voir avec le fait de défendre la liberté de conscience.

    Loïc LE DIUZET