Fédération de la Haute-Vienne de la Libre Pensée

HALTE À LA PROFITATION ! Les relents nauséabonds du colonialisme flottent sur la MARTINIQUE

  • 5 novembre 2024

    Petit rappel : Les denrées de premières nécessitées sont 40% plus chères qu’en métropole. Cette situation perdure depuis des années. Déjà en 2009 des grèves avaient dénoncé les prix exorbitants pratiqués par la grande distribution.

    Depuis le 1er septembre 2024, début des actions par le blocage du port, la population exsangue réclame l’égalité des prix avec ceux de métropole, au nom de la continuité territoriale, alors que le taux de pauvreté est de cinq à dix fois plus élevé que dans l’Hexagone, et que les salaires y sont inférieurs.

    Les actions revendicatives sont coordonnées par Rodrigue Petitot, le président du RPPRAC (Rassemblement Pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéens). Ils ont trouvé une formulation « la profitation ». Ils exigent la transparence lors de négociations et demandent que soit filmées toutes les réunions, sinon, ils refusent de siéger.

    À l’origine de cette situation : une économie de comptoir dans laquelle une poignée de grands groupes, dans des positions de quasi-monopole, n’hésitent pas à augmenter démesurément le prix des produits de consommation pour réaliser des taux de marge exorbitants, prétextant une prétendue étroitesse du marché, ainsi qu’une augmentation des taxes.

    Dès sa phase initiale, le capitalisme de plantation en Martinique, alors colonie esclavagiste française, était caractérisé par une concentration des terres et des richesses dans les mains de quelques grands propriétaires fonciers.

    Aujourd’hui, la structure économique de la Martinique est largement héritière de ce capitalisme de plantation né au XVIIe siècle : ceux que l’on nomme les békés, communauté blanche des descendants d’esclavagistes, contrôlent la majeure partie de l’économie. Cinq familles, représentant moins de 1% de la population martiniquaise, se partagent les richesses. Ils maîtrisent une grande part de l’import-export, notamment dans l’alimentaire et dans l’automobile, et sont propriétaires d’une part non négligeable du foncier. Ils détiendraient 52% des terres agricoles et 20% de la richesse de l’île.

    Bernard Hayot est l’un d’eux. Descendant d’une famille de colons arrivée en 1680 en Martinique, ce béké a hérité d’une fortune colossale construite sur l’exploitation du sucre par l’esclavage, puis de l’indemnisation versée par l’État lors de la libération de ses esclaves en 1849. Fort de ce capital familial sordide, il a fondé le Groupe Bernard Hayot (GBH) en 1960. Cette multinationale est aujourd’hui implantée dans une grande partie des colonies françaises : aux Antilles, en Guyane, à la Réunion et en Kanaky.

    Mais elle est aussi présente dans l’Hexagone.

    La crise ouverte en Martinique pourrait faire écho à la situation coloniale de l’ensemble des dits « outre-mer ». Car la situation en Martinique est loin d’être un cas particulier : elle est symptomatique des situations sociales et économiques dans les anciennes colonies françaises, caractérisées par des taux de pauvreté et une cherté de la vie records, tranchant avec la situation dans l’Hexagone.

    L’État qui se comporte en colonialiste, comme en Nouvelle-Calédonie, réprime, allant jusqu’à emprisonner en métropole des responsables des mouvements sociaux. Il pense régler la situation en envoyant son arme fatale : la brigade CRS 8, unité d’élite ultra-mobile chargée de mettre fin aux émeutes urbaines, crée en Métropole par Darmanin en juillet 2021, spécialisée dans la répression. Cette unité a déjà sévi partout en France, mais surtout dans les territoires ultra-marins à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Mais jamais en Martinique. Et pour cause : la présence des CRS est prohibée sur l’île depuis 1959. Cette année-là, trois jeunes avaient été tués par les forces de l’ordre, provoquant un choc immense dans la population et parmi les responsables politiques. Depuis, les CRS étaient priés de ne plus intervenir sur place. On pense solutionner les problèmes de mal-vie par des coups de matraques, cela, à défaut de faire baisser le prix des aliments. Pour le gouvernement, l’ordre et la docilité des populations autochtones doit être rétablis au plus vite. Le 09 octobre dernier les manifestations ont été interdites et un couvre-feu a été instauré.

    La position prépondérante qu’occupe GBH dans la domination coloniale de la Martinique, n’a pas qu’une responsabilité sur la cherté de la vie et l’entretien de la misère sur l’île.

    Le groupe a du sang sur les mains, car il est aussi impliqué dans le scandale du chlordécone.

    Utilisé massivement dans les bananeraies aux Antilles de 1972 à 1993, alors qu’il était interdit dans l’Hexagone depuis 1989, ce pesticide cancérogène, dont les effets sur la santé étaient bien connus, a contaminé la quasi-totalité des Guadeloupéens et des Martiniquais. L’État français a permis aux gros planteurs, par dérogations, de continuer à utiliser le chlordécone légalement jusqu’en 1993. Ce pesticide mortifère a été commercialisé en Martinique par l’entreprise Laguarigue, dont le directeur général était Yves Hayot, frère aîné de Bernard, qui a continué à écouler illégalement ses stocks après 1993.

    Le 16 octobre dernier, un protocole a été signé entre la grande distribution, la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), les grossistes, le port maritime, les transporteurs, le préfet pour l’État et les élus Martiniquais. Le préfet a indiqué que ce protocole était un objectif, ce qui change le regard et l’attente de la population. Ce protocole n’a pas été signé par le RPPRAC, accord jugé insuffisant en l’absence de garanties sur le calendrier et sur son contrôle d’application. L’accord, donne un blanc-seing aux signataires pour perpétuer le pillage des populations.

    La mobilisation continuera donc !

    La baisse des prix, si elle se concrétise, est le fait d’une suppression de la TVA et de certaines taxes, mais pas d’une réduction des marges exorbitantes des intermédiaires.

    L'Assemblée Nationale a adopté samedi 26 octobre 2024, en première lecture, une disposition proposée par le gouvernement pour exempter de TVA, en Martinique et en Guadeloupe, une liste de produits de "première nécessité", traduction de l’accord conclu du 16 octobre.

    C’est donc l’État qui règle la facture !

    Fort de ce constat, les revendications pour une réelle négociation afin d’aboutir à la baisse de l’ensemble des produits alimentaires est toujours d’actualité. Ce n’est pas par une réponse répressive des forces de l’ordre que la situation se réglera sur place.

    Alain PATON

    Sources : AFP- L’Humanité- France Antilles, RPPRAC, RCI infos Martinique.