À l'attention du médiateur de l'information de France 2, Objet : 13H15 le dimanche – 10 novembre
- 5 décembre 2024
Le 10 novembre, l'émission « 13H15 le dimanche » a consacré un reportage « le der des ders » au destin du soldat Trébuchon, réputé comme le dernier mort français de la Première Guerre mondiale.
L'émission est revenue sur les 4 années de guerre et sur le parcours du soldat Trébuchon, retraçant au contact d'acteurs de terrain, les horreurs de la guerre.
Lorsqu'il a été question de l'offensive du chemin des Dames, puis des mutineries, le narrateur est longuement revenu sur La chanson de Craonne, chant antimilitariste des soldats ; un parallèle fut dressé avec la chanson Imagine, citant le nom de son auteur John Lennon.
Malheureusement pour La chanson de Craonne si son origine reste encore inconnue pour les paroles (l’air étant emprunté à la mélodie Bonsoir m'Amour ! composée en 1911 par Charles Sablon), il ne fut pas question dans ce reportage de Raymond Lefebvre et de Paul Vaillant-Couturier.
Or, ces deux combattants sont les premiers à avoir publié ce texte dans leur ouvrage la guerre des soldats en 1919, sous le nom de Chanson de Lorette :
Paul-Vaillant Couturier fit une nouvelle publication de La chanson de Craonne dans le journal Commune en 1934, avec quelques évolutions, sans son ami Raymond Lefebvre, décédé en mer Baltique en 1920.
Cette invisibilisation des premiers diffuseurs de la chanson, en dehors des tranchées, est fort regrettable ; en effet, messieurs Lefebvre et Vaillant-Couturier ont connu un destin pacifiste et politique de premier plan ; leur expérience des tranchées a considérablement ancré leurs actes dans un militantisme de Paix : ainsi , ils sont avec Henri Barbusse , l'écrivain du Feu, et Georges Bruyère, à l'origine de l'Association Républicaine des Anciens Combattants, association toujours existante, dont l'action ne se complaît pas dans l'exaltation du nationalisme et d'un souvenir combattant rêvé mais bien dans le rejet de la guerre et la promotion du pacifisme.
Si le destin a empêché Raymond Lefebvre d'avoir le rôle pacifiste qui aurait pu être le sien, Paul Vaillant-Couturier a été un acteur politique de premier plan pendant les 18 courtes années qu'il lui restait à vivre.
Marqué par la guerre, il participe au Congrès de Tours où, aux côtés d'Ho Chi Minh, il rejoint le Parti communiste ; très jeune député, il s'oppose à l'occupation de la Ruhr, à la guerre du Rif. Comme rédacteur en chef du journal L'Humanité, Paul Vaillant-Couturier a également été un virulent pourfendeur du fascisme et du nazisme, ses reportages en Espagne durant la guerre civile feront date.
Alors que la montée des périls commence à embraser l'Europe, Paul Vaillant-Couturier a dès les années 1920 dénoncé Mussolini ; son implication dans le Front Populaire, sa grande popularité chez les militants, en faisaient un responsable respecté à gauche. Son combat pacifiste venait des tranchées, dans lesquelles il avait certainement fredonné La chanson de Craonne, cette chanson qui marque pour lui et cette génération d'hommes le refus de la guerre.
Il est donc dommage que l'émission 13H15 le dimanche n'ait pas jugé utile de mentionner les premiers écrivains qui ont réussi à populariser ce chant et à le sortir de la ligne de front. Car derrière leurs vies certes courtes, (décès en 1920 pour Raymond Lefebvre et en 1937 pour Paul Vaillant-Couturier), c'est le souhait de ces hommes de construire un monde meilleur, d'émancipation sociale et de refus de la guerre qui aurait pu être mis en exergue.
Tout autant que John Lennon, ils auraient mérité d'être mentionnés mais peut-être que leur parcours politique ultérieur ne les a pas servis....
Pour reprendre le cri d'un orphelin figurant au pied du monument aux morts pacifiste de Gentioux en Creuse :
Maudites soient les guerres !
Henri VACHER
Président du Mouvement de la Paix de Corrèze, Libre penseur