Billet d’humeur
- 20 décembre 2024
15 Avril 2019, la cathédrale Notre-Dame est en proie aux flammes de l’enfer. Heureusement, aucune victime à déplorer, mais merde, où était donc Dieu ? Cela se passe le soir de la reconstitution par Macron de son faux « grand débat » après l’épisode des gilets jaunes. Cela tombe à pic, il est sauvé par les flammes ! Du coup il annule tout, et le reporte. Nous sommes en 2025, le debrief est resté dans les cartons…
Devant le brasier des hâbleurs crient au miracle : ils ont sauvé des flammes un morceau de la vraie croix, sous-entendu, ils en auraient des fausses ? Ils ont aussi récupéré la couronne de ronces qui servait de couvre-chef, vieille de 2000 ans toujours pas décomposée, effectivement cela tient là aussi du miracle. Les fervents cathos se sont immédiatement regroupés pour implorer leur dieu, prier et chanter en cœur des cantiques près des flammes du barbecue géant, mais pas de merguez comme à la fête de l’Huma.
Puis est venu le temps de la reconstruction : participation de l’Europe, de l’État, de la ville de Paris et de la région île de France, donc du contribuable, c'est-à-dire nous ! Bâtiments financés par nos impôts grâce à la défiscalisation des dons. Pour en faire quoi ? Un lieu de culte à l’usage exclusif d’une grosse secte, qui elle, contrairement à d’autres, a bien réussi. Ne faut-il pas que ce bâtiment devienne un lieu public sans interférence religieuse où se mélange volontairement le monument historique et cette croyance mercantile et malsaine ?
Déjà 5 ans, coucou, nous revoilà ! (Rappelez-vous ce slogan durant les manifs du siècle passé, en 1973, mais comme dit la chanson je vous parle d’un temps que les moins de 70 ans ne peuvent pas connaître.)
Pour la remise en service de Notre-Dame, on a mobilisé 6000 flics et tout l’attirail de la répression pour protéger les blaireaux qui vont assister à la réouverture d’un symbole de l’oppression avec ses clowns de service portant robes, croix et reliques. Toujours l’union du sabre et du goupillon, rien de nouveau sous le soleil !
On valorise la toiture, reconstituée de 400 tonnes de plomb, on fait l’impasse sur le monoxyde de plomb toxique pour l’homme, son usage domestique étant interdit. Sa contamination probable par le botulisme risque de se déclarer aussi chez les invités. Les ouvriers prolos eux n’atteindront pas l’âge de la retraite, plombés jusqu’aux os, mais ils méritent bien tout de même quelques applaudissements.
Les donateurs les plus riches, exploiteurs sans vergogne du monde du travail, sont au premier rang, considérés et reçus, comme des chefs d’État : Arnaud (200 millions d’euros), Betancourt (200 millions d’euros), Pinault (100 millions d’euros). En effet, plus qu’une philanthropie qui plonge ses racines dans la culture chrétienne, cette séquence fait penser, à bien des égards, à un évergétisme d’un genre nouveau devenu normatif. C’est l’hégémonie du culte (prononcez bien) et du capital. Ces dons sont comme une appropriation indirecte des biens publics. Que penser de la portée de tels sommes à un moment où le débat sur la taxation des plus riches devient un enjeu majeur ? Nos 3 donateurs ci-dessus cités s’apprêtent-ils à verser aussi 500 millions d’euros pour les sans-abris et victimes du cyclone à Mayotte ?
Les chefs d’État européens sont là, 50 au total, des rois, des reines sont également de la fête, on insiste sur la présence du comte de Paris dauphin de France. Trump, Elon Musk, Zelenski sont bien sûr de la sauterie. Ce dernier en profite pour demander de l’aide aux pays cathos. On massacre des humains, mais c’est pour la défense des valeurs occidentales. Alors, donnez, donnez, donnez-moi comme le chantait naguère Enrico. Les officiants chamarrés d'or, déguisés, mécréants avérés, vont célébrer une cérémonie spectaculaire, dilapidant sans vergogne une manne exceptionnelle. Le montant de la journée s’élève à 10 millions d’euros, un tiers prélevé sur fonds publics, le reste par appel aux dons. Cette manne n'aurait-elle été pas mieux employée pour soulager la misère ? Propos idéalistes et naïfs ?
Un cureton dans une tenue fantasque dessinée par un grand créateur limougeaud et rappelant les couleurs de LIDL, va lancer l’ouverture des portes. Une cérémonie religieuse cautionnée par un panel très large de « nos » dirigeants, ainsi va ne nos jours la laïcité.
18h00, les cloches des cathédrales de France sonnent à l’unisson, c’est le moment pour Macron de faire son entrée, pour se faire sonner les cloches, c’est une vraie réussite ! Il est vrai que le bourdon se nomme « Emmanuel ». Toute ressemblance avec des faits réels n’est que pure coïncidence. « Deuxième plus grosse cloche de France, il fut parfois fondu, refondu, et fêlé. A l’origine, il s’appelait Jacqueline, puis Manu, on constate que notre bourdon s’égosille frappé par un marteau, dès qu’il le peut. Cet opulent insecte malgré son poids ne produit pas un son grave, comme quoi, comme toujours, ce n’est pas la taille qui compte. Vous ne pourrez pas admirer ses grelots, ils sont inaccessibles depuis l’incendie ».
Pendant qu’il s’installe, on remercie la présence des représentants de plusieurs cultes, on rend un hommage au mercenaire général Georgelin qui a mis au boulot les petites mains pour la rénovation. Il en est mort, Dieu l’a appelé auprès de lui certainement pour retaper sa datcha. Intervention de l’archevêque. Comme à l’accoutumée, il lance des textes abscons, avec une conviction appuyée, il semble y croire. Il profère des « Notre Dame est modèle de la foi, elle rassemble les enfants de Dieu dispersé » (surtout les 300 000 victimes des prêtres pédophiles !) Retentissent ensuite les chants de la maîtrise de N.D, que des enfants ! Futures victimes pubères ?
Par sa présence et sa béate soumission, Macron officialise ainsi que la France n’est plus une République laïque, mais un état sous influence religieuse catholique. Il prend la parole, cite 11 rois qui ont défilé durant cette période, insiste sur Napoléon et rappelle qu’après l’incendie, il a pris la décision de rebâtir le monument. Puis, on assiste à un défilé de « diablotins », bouffons en robes avec des oriflammes, accompagnés par les chants religieux des juvéniles. Il paraît que cela n’est pas une messe, mais cela y ressemble fort. La soutane la plus colorée se sent obligée de faire de la lèche au président : « nous savons ce que Paris et la cathédrale vous doivent » « nous allons chanter pour l’œuvre de Dieu » « C’est Dieu le père de tous » (quel queutard le vieux barbu !) « Dieu a pris chair humaine dans Marie » (là le pépère il s’est laissé aller !)
Le lendemain matin rebelote sur A2 : on questionne un gugusse, il est entouré de 7 religieux représentants des sectes différentes, ils se déclarent tous unis pour ND. On y trouve de tout, une vraie Samaritaine cela va d’un juif, du recteur de la mosquée de Paris, un protestant, les chrétiens d’orient, l’union des bouddhistes de France, un pope orthodoxe. Qu’importe la religion du moment pourvu que les peuples s’y soumettent.
On échange sur la Laïcité qui appliquée ainsi convient parfaitement aux cultes présents. Ils utilisent gratuitement les monuments propriété de l’état. Les religieux se présentent comme fort respectables, l’impasse est faite sur les procès en cours, on feint d’ignorer qui est l’abbé Pierre et on ne parle pas des cathos intégristes, liés à l’extrême droite et qui se multiplient comme les petits pains.
Puis, place à la messe où les mêmes que la veille se pressent. Un grand show pour impressionner et marquer les esprits. Un clown hirsute ayant manifestement forcé sur le blanc-cassis, le « sang du christ », porte à bout de bras des reliques et l’archevêque nous annonce que « c’est le christ et sa mère qui vous accueillent aujourd’hui ». Ces derniers ne se sont même pas déplacés, ni lui, ni sa mère, quel irrespect ! D’autres pantins bariolés en aubes projettent de l’eau bénite sur les badauds avec des branches de sapin. Puis des lectures de textes anciens tirés de vielles revues, pas une citation de Marx, Lénine ou Jaurès. C’est triste à mourir…dépité, je décide d’arrêter là et j’éteins le téléviseur.
Comme l’a écrit le philosophe, historien Pierre Hadot, « En fait le problème n'est pas celui du catholicisme, mais celui des religions […]. Elles ont été et demeurent encore pour l'humanité, la source de guerres, de persécutions impitoyables, de souffrances pour des millions d'hommes et de femmes. Je ne sais pas si l'humanité parviendra, à se délivrer de ce besoin de religieux.
Alain Paton
Sources : A2, Mediapart, l’Obs.